Le Japon traditionnel épisode IV : Nakasendo, voyage à travers les âges

Il y avait de la place dans la DeLorean DMC-12 de Marty McFly, alors le temps d’une après midi nous avons embarqué pour un petit voyage dans le temps. La barre des 88 miles franchie, nous voila projetés 300 ans en arrière, à l’époque Edo, cool !

Il était une fois au VIème siècle, une petite voie qui faisait partie des voies commerciales japonaises, la Kisoji. Jusqu’à la bataille de Sekigahara (20 & 21 octobre 1600, un vendredi  et un samedi, début de weekend sympa !), d’ailleurs surnommée «la bataille qui décida de l’avenir du pays », elle vivait sa vie tranquille dans son coin, sans rien demander à personne.  Après la bataille, la victorieuse et toute puissante famille Tokugawa prit en main les rênes du pays, et là finit de bâiller aux corneilles. Ieyasu, le chef de famille sobrement surnommé « grande incarnation illuminant l’orient », décida de se doter de voies de communication rapides organisées autour d’un réseau de cinq voies majeures partant toutes d’Edo, la nouvelle capitale.  C’est alors que la petite  voie prit une nouvelle dimension et un nouveau nom (Nakasendo) en intégrant ce « groupe des 5 », les Gokaido. Elles avaient pour objectifs de faciliter le passage des personnes, des missions diplomatiques, des espions, des biens précieux et aussi des messages. Avec ce nouveau réseau routier le Shogun souhaitait accroître son contrôle sur le pays, qui sortait d’une très longue période de guerres civiles et d’affaiblissement du pouvoir central.

Reliant Tokyo à Kyoto, la Nakasendo traverse 7 préfectures japonaises sur une distance de 534 kms (soit 135,98 ri, le premier qui trouve la conversion du ri en kilomètre gagne une sucette). Notre randonnée, ne couvre qu’une bonne vingtaine de kilomètres, c’est déjà pas mal. Après avoir visité de nombreuses villes, cela nous fait un bien fou de nous en écarter un peu et de nous rapprocher de la nature.

Il faut le reconnaître, au début de la randonnée nous ne sommes pas vraiment en pleine nature. Avant de rejoindre la partie historique, nous devrons parcourir les 7 kms reliant Nakatsugawa (la ville où nous sommes descendus du train) et Magome-juku, la première ville relais du parcours. Dans cette partie, les routes goudronnées ont remplacé les pavés et chemins de terres, nous sommes dans la partie moderne. Mais, cette balade au milieu des petits villages, sans circulation et sans agitation, est déjà très agréable, pour ne rien gâcher le soleil a décidé de parrainer notre journée.

Tiens, il est marrant ce bitume avec tous ces cailloux incrustés. Tiens, ce bonhomme jaune, nous l’avons déjà croisé quelque part…Tic , tac, tic, tac…la pièce est tombée ! Bon sang mais c’est bien sûr, voila les indications qui nous montrent la voie à suivre ! Ah, ah, notre blondeur n’a pas encore attaqué le cerveau, enfin pas entièrement. Certaines sections de la Nakasendo sont aujourd’hui des routes modernes, avec cette petite astuce, impossible de se perdre, trop forts ces japonais !

Quant après quelques kilomètres parcourus sur ce fameux bitume nous arrivons devant une route pavée fendant la forêt, là pas de doute possible, nous sommes bien devant la voie historique, le début d’un petit tour de 8 kms sur les voies historiques de la Nakasendo. Sur cette petite partie, nous foulons les ishiditami (pavés) originaux de la voie, et comme cela sera souvent le cas lors de notre périple du jour, nous sommes seuls. Sortis de la forêt, nous arrivons à Magome-juku, ville relais de la Nakasendo (la 43ème pour être précis). Pour la petite histoire, en ce temps là, les habitants de ces relais (shukuba), qui n’étaient pas encore des villes, étaient chargés d’assurer le fonctionnement de la voie dans leur zone (fournir les chevaux et entretenir les routes et ponts) et aussi de fournir le couvert et le logement aux voyageurs et officiels. Dans les différents guides consultés, Magome-juku ne figurait pas au rang des endroits où s’attarder. Franchement, ils se plantent complètement ! Organisée tout en longueur et en pente (le dénivelé précis nous échappe), ce relais a conservé le charme d’antan, pour peu que l’on goûte à ce charme bien sûr. Évidement, boutiques de souvenirs et restaurants ont remplacé les écuries et auberges d’époque, que voulez vous, on n’arrête pas le progrès.

Pas le temps de traîner, nous ne sommes pas hippo-tractés et nous voulons profiter des 9 kms de la voie historique qui nous mènerons jusqu’à Tsumago-juku, une autre ville relais.

Pour les traducteurs franco-japonais débutants, Nakasendo se traduit par « route de la montagne du centre », mais jusqu’ici pas trop de montagne. A partir de Magome-juku, nous y sommes, et aussi dans la forêt. Nature, chemins de terre et de sable, petits ruisseaux, ours, ici on se sent vraiment isolé du monde moderne, c’est génial. Vous ne rêvez pas, il y a bien des ours dans les parages, pas ceux qui ronflent, non, les poilus immenses aux grandes dents. Pas de panique les jap’ ont pensé à tout. Pour chasser les ours, pas besoin d’un 22 long rifle, une cloche suffit. Si, si, placées à intervalles réguliers, il suffit de sonner la cloche pour faire fuir les animaux sauvages en quête de chair fraîche. Et ça marche ! La preuve, aucun ours des cavernes, ni tigres du Bengale ne nous a attaqué ! En toute quiétude, nous poursuivons notre très agréable randonnée le long de la rivière Kiso au milieu de la nature, alone !

Après 9 kms d’efforts presque surhumains (nous disons bien presque), nous arrivons à Tsumago-juku, 42ème ville relais du Nakasendo. Ceux qui ont bien suivi auront remarqué que nous avons remonté la voie. Nous vous épargnerons les données GPS, mais nous sommes alors en direction de Tokyo, Nord-est toute ! Comme à Magome-juku, la ville n’a pas été défigurée par les affres du temps et de la modernité, bien au contraire. Depuis les années 60, le gouvernement, sous l’impulsion des habitants,  s’efforce de préserver ces villes au plus proche de leur état historique. Les bâtiments sont restaurés, la rue principale est piétonnière, les câbles électriques sont cachés, bref l’ambiance de l’époque est préservée, on s’y plaît. A tel point que nous ferons même une petite halte dans une petite échoppe pour y déguster des buns traditionnels fourrés aux marrons. Dans cette enseigne, rien de superflu, l’atelier de travail, un coin dégustation où un petit feu crépite, ni radio, ni télé, quant on vous dit que nous sommes à l’époque Edo !

Après cette douceur, une de plus dans cette délicieuse journée, nous nous dirigeons vers Nagiso, à 4 kms de là (9 + 7 + 4, le compte y est) pour y récupérer le train direction Nagoya et notre business hôtel.

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Une réflexion sur “Le Japon traditionnel épisode IV : Nakasendo, voyage à travers les âges

  1. Ce post me rappelle le film de Kurosawa « Après la Pluie » (Un de mes préféré.)… surtout si on le rapproche du précédent qui était particulièrement pluvieux!

    C’est beau

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