Etude sociologique des ethnies du triangle d’or

Une étude sociologique sur des ethnies ? Me suis-je trompé de blog (amélioré quand même) ? Non, vous êtes bien sur la bonne fréquence ! Un coup d’œil sur le bulletin de notes de Nico (en 3ème année de FAC, ouille je ressens mes 32 ans…) et vous remarquerez un superbe 20/20 en socio ! Bimbadaboum, de voyageur, nous nous transformons en Lévi-Strauss en tongs ! Mais pourquoi cette transformation soudaine ? L’occasion fait le lardon ! Dans les environs de Kengtung, de nombreuses ethnies continuent de vivre selon leur mode de vie traditionnel. Pour s’y aventurer, pas question d’y aller seul, il faut un guide. Le nôtre, c’est David. Un nom de scène bien plus prononçable que son vrai nom, Sai Tint Zaw Tun.

La rencontre des ethnies, comment ça marche ?

Premièrement, pour y accéder, il faut forcément prendre l’avion, la route est interdite aux touristes car jugée trop dangereuse (en raison du trafic d’opium notamment). Ensuite, pas question de dormir dans un village de montagne, le gouvernement l’interdit. Il faut rayonner depuis Kengtung. Pour le confort, ce n’est pas plus mal. Une chambre propre et spacieuse, de l’électricité, une douche chaude, la clim’, tout ce qu’une cabane dans la montagne n’a pas ! Et puis, les gargotes autour du lac de la ville proposent des menus qui nous enchantent. L’un dans l’autre, nous nous accommodons de cette interdiction. Tous les matins, avant notre départ aux alentours de 8h, un petit tour par le grand marché de la ville pour acheter notre repas du midi. Ensuite, embarquement en Tuk-Tuk, celui de David, pour une durée plus ou moins longue en fonction de l’état de la route, un paramètre à prendre en compte. Certaines ressemblent plus à Verdun qu’à un tapis de billard. Après cela, il n’y a plus qu’à randonner jusqu’aux villages.

Les Akhas, j’ai mon argent sur la tête

Sur la route pour les villages, une fabrique d’alcool de riz nous ouvre ses portes, pas ses goulots rassurez-vous ! La distillation est un processus vieux comme le monde. Et ici, les outils ressemblent à ceux des premiers temps. Après cette rapide halte, nous nous dirigeons vers les quatre villages qui recevront notre visite. Pas distants d’1km les uns des autres, ils ne partagent pourtant pas les mêmes croyances. L’un est animiste, l’autre bouddhiste, l’autre chrétien et le dernier un peu de tout. Ca doit être un sacré bazar pour la location de la salle des fêtes un jour férié ! Notre montée vers les villages se fait dans de somptueux paysages de montagnes. D’ici, le monde civilisé nous semble lointain. A notre arrivée, l’accueil est glacial, d’ailleurs peut on parler d’accueil ? Les enfants nous ignorent, les parents encore plus, comme la chaleur des gens à Mandalay et Kyaukme nous semble lointaine…A défaut de devenir meilleurs amis du monde avec elles, nous avons quand même l’occasion de voir les femmes Akhas en tenue. Pas peur de la crise bancaire qu’elles pourraient dire ! Dans cette ethnie, les femmes portent une coiffe en argent sur la tête. Pour les plus précieuses, les pièces de monnaie qui les composent se revendraient comme des petits pains sur le marché des antiquaires. Si cette coiffe est la pièce maîtresse de leur déguisement…euh de leur tenue traditionnelle, le reste vaut aussi le coup d’œil. Il faut savoir que dans les familles plus modestes, les femmes se contentent de truc en toc « made in China », chacun fait selon ses moyens. A part quelques villageoises, l’accueil est très frais dans les villages que nous traversons. Ca fait un peu zoo, nous ne nous sentons pas toujours à l’aise pour prendre les photos. Par rapport à nos attentes, et aussi à ce que nous avions vécu avant, cette première journée aura été un peu particulière pour nous, pas complètement épanouissante.

The candy theory

Le matin de notre première visite, nous allons au marché faire quelques emplettes, des médicaments pour les adultes, des bonbons pour les enfants, ça nous démange, mais nous ne disons rien sur le coup. Dès le premier village, nos craintes se confirment, en nous voyant arriver, tout le monde sait que les touristes arrivent avec quelque chose. Donner quelques médicaments pour soigner des petits bobos ne nous gêne pas, en revanche, les enfants qui mendient des bonbons, oui ! En l’organisant de cette manière, les guides créent une relation un peu malsaine. Gênés par cela, nous avons préféré déléguer la gestion de cet aspect à David pour limiter notre influence en tant que touristes sur ces populations. Car oui, notre présence n’est pas normale pour eux, mais en faisant cela les guides accentuent notre impact.

Les Lahu shi, usine de production de gosses

Cette petite mise au point faite avec David, nous nous engageons pour notre deuxième journée d’exploration. Avec le Tuk-tuk, nous mettons cap à l’ouest pour retrouver l’ethnie des Lahu Shi. Après une bonne marche dans les montagnes nous permettant de profiter de somptueux panoramas sur la vallée verdoyante et les rizières en terrasse, nous arrivons à la garderie. Au bas mot, une quarantaine de mômes nous accueille. Les tenues aux couleurs traditionnelles blanches et bleues des enfants sont aussi pleines de terre, de poussière et de morves, le dénuement n’est pas loin. Il est étonnant de constater que des gosses d’à peine 4 ans trimballent dans leurs baluchons des bébés de quelques mois. Plus habitués à apercevoir notre guide que nous, les enfants semblent un peu timides, hésitants, les sourires ne sont pas loin, la curiosité elle est là. Un homme nous accueille dans sa cahute pour nous préparer le thé avec les quelques cendres qui lui restent, la gentillesse se lit dans son regard. Jamais au bout de nos surprises, nous nous mettons à table pour notre déjeuner, avec en face de nous une dizaine de gosses pour spectateurs, drôle de sensation. On ne sait pas trop si les enfants sont curieux de nous voir, attendent qu’on partage notre repas avec eux, ou qu’on leur donne un bonbon…Pour finir notre étape, nous rejoignons une maison où les femmes réunies bricolent, entre autre, leurs fameux colliers. Dans la tenue Lahu-shi, le collier en fibre est un accessoire indispensable, tous en ont un, Célia aussi. Mais pour notre petite française, c’est autour du poignet qu’elle le porte.

 Les Palaung, rois du négoce

Sur notre chemin du retour, nous faisons une halte chez les Silver Palaung. Cette ethnie porte aussi sa richesse sur elle, autour de la taille cette fois. Et d’ailleurs, la leur semble plus importante que celle des autres ethnies, le contraste est saisissant comparativement aux Lahu-shi visités précédemment, ça change ! Des maisons en durs, l’électricité, la télévision, le satellite ! Après dix minutes à déambuler dans le village, nous en comprenons vite la raison. En commerce, ils savent y faire ! L’invitation à prendre le thé tourne vite à la réunion Tupperware. A peine servis, un essaim de petites vendeuses et leurs écharpes tissées main fond sur nous. Tout se fait dans une ambiance bonne enfant. Avec leur sens des affaires, cette ethnie semble moins dépourvue que les autres.

Les Ann, j’ai perdu mon dentifrice

Si nous devions nous fier au style, cette ethnie serait sûrement la plus spectaculaire. Animistes, les hommes et femmes de cette ethnie pensent que seuls les animaux ont les dents blanches. Du coup, avec de la suie, ils se teignent les dents d’une ravissante teinte noire. Si par-dessus on rajoute la mastication des betelnut qui donne une teinte rouge, on obtient un sourire indescriptible qui ferait frémir un dentiste dans son cabinet. Cette dernière journée est riche en découverte. Comme tous les jours, nous faisons des haltes dans quelques familles choisies par notre guide. Pour notre arrivée, le chaman nous reçoit dans sa demeure. Plus tard dans la journée, après avoir évolué dans des paysages toujours aussi merveilleux, nous faisons une pause thé-cacahuètes chez une vieille dame à la dentition faite de suie, de betelnut et aussi d’une dizaine de dents. Nous nouons un peu le contact, mais l’échange passe surtout par le regard et par des gestes. Ces gens n’en ont sûrement pas conscience, mais la vue depuis leur village est fabuleuse. Le vert éclatant des rizières saute aux yeux.

Quel bilan ?

Ne noircissons pas trop le tableau. La première journée a été un peu rude, en raison de l’accueil du premier village, et aussi avec cette histoire de bonbons. Mais par la suite, tout est allé bien mieux, nous avons retrouvé les sourires, l’accueil et la sympathie si fréquente en Birmanie. Et n’oublions pas de nous mettre à leur place. Que ferions-nous si des zozos débarquaient régulièrement pour nous prendre en photo, en plan serré avec des gros objectifs ?

L’expérience restera inoubliable, être au contact des ces ethnies venues d’un autre temps, c’est rare, nous l’avons apprécié. Avec leurs moyens et leurs façons d’être, ils nous ont accueillit. Ces gens nous ont ouvert les portes de leurs maisons, partagés leur thé avec nous, informés sur leurs coutumes et traditions, pour cela, nous les avons remercié avec un petite geste.

Mais en tant que touristes responsables, nous pensons que les agissements des guides dénaturent un peu la relation qui pourrait s’établir. Nous sommes persuadés que le don pourrait être organisé d’une façon différente, pour le bien de tous. Enfin, quand nous voyons les blessures et maladies dont certains enfants souffrent, les bonbons sont de piètres remèdes.

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