Black magic

Quand un ni-van vous parle d’Ambrym, une étincelle d’inquiétude assombrie son regard. Cette île est celle de la magie noire. Le ciel gris au dessus de nos têtes, ce n’est pas un hasard, on nous a marabouté.

La piste menant à notre guesthouse a aussi dû l’être, plus d’une heure pour faire quelques malheureux kilomètres, elle est limite praticable ! Grâce à nos incantations, nous arrivons sains et saufs à Lalinda, chez Josès, notre guide. Après une après-midi de palabres, nos chemins se séparent, lui file au nakamal pour son (ses) kava, nous au lodge pour notre dîner. Nous ne nous attardons pas à demander les recettes, nous filons au lit pour un peu de repos avant nos 2 jours de trek.

Un volcan, mais quel volcan ?

Ambrym, ce n’est pas un, mais deux volcans ! A la différence de Yasur, Bembo et Marum ne crachent pas, ce sont « juste » deux lacs de lave en fusion. Mais ça, c’est par beau temps, car une météo infernale nous aura à peine permis d’en profiter. Déjà lors de l’ascension à travers le bush subtropicale les coulées de lave, la pluie s’invite, ça n’est qu’un avant goût. Dès que nous mettons les pieds au camp de base, elle redouble, pour le Bembo tout proche c’est râpé. D’ailleurs, le groupe de calédoniens parti l’observer ne revient qu’avec des chaussettes mouillées et le moral dedans. Heureusement que nous avons eu la bonne idée d’emprunter une tente waterproof à Josès, car dans la nuit, l’intensité redouble (ça fait beaucoup de pluie!). Notre route vers le Nord de l’île passe par le cratère du Marum. Deux pas dans la caldeira suffisent à annihiler nos derniers espoirs d’assister au spectacle. Pluie et vent s’engouffrent, nous rincent et ralentissent nos pas, c’est terrible. Les paysages volcaniques nous entourant nous sont presque invisibles. Aux pieds du Marum, les nuages sont toujours là, gris, déversant une abondante pluie. C’est confirmé, nous ne verrons pas grand-chose. A peine 5 secondes où nous distinguons cette marmite diabolique. Dans ce cratère, les nuages s’engouffrent et les gaz toxiques tourbillonnent, formant un impénétrable brouillard. Seul le son parvient à nos oreilles, ça à l’air complètement dingue ce qui se déroule 400 mètres sous nos pieds. Non sans regrets, nous tournons le dos au Marum. Mine de rien, il nous reste de la route. La pluie nous laisse un court répit, de quoi apprécier les paysages alentours. Quand enfin nous rallions Ranvetlam, premier village au sortir du volcan, le soulagement domine malgré une grosse pointe de déception, c’est la vie ! Pour rejoindre notre résidence du soir, nous embarquons dans le confort (sommaire) d’un truck.

Yam festival

En plus des volcans, Ambrym possède aussi les pires bungalows que nous ayons fréquentés. Non pour les propriétaires, mais pour ses installations, Lili décroche la palme. Mais quand la fatigue vous rattrape, elle ne se préoccupe guère de la qualité du couchage, elle s’en accommode. Si nous avons traversé l’île du Sud au Nord, c’est pour le Magic Festival, à Olal. Ô surprise, quand nous rallions la nasara (lieu réservé à la coutume dans un village) ça sonne plus que creux que dans les tam-tams. A cette heure là, nous devrions être en retard pour les festivités, mais pas aujourd’hui. Norbert, chef de village et responsable du festival, démêle l’imbroglio. Hier, les intempéries les ont contraints à annuler la première journée. Pour notre plus grand soulagement, il nous annonce que le spectacle doit avoir lieu cette après-midi, en version courte. Après un copieux lunch, nous nous rendons au nasara, pas une seule trace des 17 touristes censés nous rejoindre. Et dernier détail, ce festival n’est pas le Magic Festival, mais le Yam Festival, celui célébrant la récolte de l’igname, le mal de tête nous guette !

Assis face aux fameux tam-tams d’Ambrym, nous sommes prêts pour les célébrations. Malgré la faible affluence, ils ont mis les petit penis dans les grand nambas. Les hommes ont revêtu leurs habits traditionnels, tout n’est pas rangé dans le nambas… Danses rituelles rythmées au son du tam-tam, dessin sur sable, explications. Norbert se mue en guide personnel et nous explique ce qui se joue sous nos yeux. Clou du spectacle, la dance du rom clos les festivités. Masques et capes en feuilles de bananiers viennent compléter la panoplie. Le bruit des costumes, les chants des hommes, le rythme du tam-tam, les danses, tout le mystique d’Ambrym se joue sous nos yeux.

Après cette partie de plaisir, les affaires courantes reprennent. Déjà vendredi, nous devons penser à retourner à Craig Cove prendre notre avion du dimanche. Et pour retourner au Sud, une seule solution, ô combien onéreuse, les speedboat. Mais Norbert, encore lui, nous glisse une astuce : le caboteur. Pour 12 fois moins chère que le speedboat, ce transport de marchandises peut nous déposer à Craig Cove. Annoncé entre 6h et 9h du matin, c’est avec beaucoup d’avance, à 1h30 que nos embarquons, même pas le temps de rêver au tam-tam que nous avons acquis plus tôt dans la soirée ! Pas forcément rassurés, ni sûrs de notre coup, nous nous lançons dans l’aventure. Après quelques péripéties, Josès embarque à Ranon, où le caboteur marque l’arrêt. Il n’ya rien de plus typique que l’animation qui règne sur la plage. Le cochon s’échappe, la poursuite commence, les cris, les rires, ça nous réveille un peu, il est 4h du mat’. Cette nuit là, la mer est calme, la lune brulante, le bateau chargé de kava pour la capitale, les odeurs nous chatouillent les narines. A 6h, nous ne sommes pas mécontents de mettre pieds à terre.

Hospitalité ni-van

Notre dernière journée, nous la passerons avec Willi, un ami de Josès. Pas de bungalow, nous logeons chez l’habitant, la famille est presqu’au complet. Entre détente et discussions, nous passerons une journée très tranquille. Puis, comme chaque fin d’après midi partout dans le pays, c’est kava time. Jimmy se colle à la préparation du tant attendu breuvage. D’abord éplucher les racines, puis les couper finement. Ensuite les passer sous l’eau avant de les hacher. Enfin, on essore le tout. A mi-chemin entre une eau de vaisselle immonde et une mare de boue, ça ne donne pas envie. Mais au moins, l’aspect colle avec le goût ! Pas bon ou dégueulasse, c’est selon. Pour cette cérémonie, les femmes ne sont pas conviées, elles assistent de loin au spectacle. Il y’a dans cette potion au gout poivré quelques chose qui s’attaque au cerveau des ni-van. Après plusieurs coupes, ils sont dépossédés de leurs moyens, amorphes, s’expriment et se meuvent difficilement, c’est un piètre spectacle. En plus de cela, ils se mettent à cracher comme des lamas et fumer comme des pompiers, pas vraiment ce à quoi nous pensions assister. Sur nous, pas d’effets, étonnant.

Après avoir vécu cette expérience atypique nous quittons Ambrym, pour une dernière semaine au Vanuatu que nous souhaitons ensoleillée et sans kava !

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