Sale temps pour les Hobbits

Au McDo de Taupo, Bilbo nous fait le topo. « Sans l’Anneau, le Tongariro, c’est bien plus beau. Et puis, aller là haut, c’est un must do (prononcé « d’eau » à la française, pour la rime) ». En effet, fondu pour produire des coupes papiers incrustés de Paua, le précieux ne nous importunera plus. Pays du Mordor nous voici !

Débarrassés des uruk-hai, trolls et autres oliphants, le Northern Circuit devient de suite envisageable. Si par chance aucun volcan n’entre en éruption, ce sont trois jours, deux nuits et 45 kilomètres à travers plaines et montagnes qui nous attendent. Brochure du DOC à la main, parcours tracé, chemin balisé, nul besoin de cet encombrant Gollum pour nous mener jusqu’à la montagne du destin. Autre avantage, Célia n’aura pas à se soucier de ses bagues.

Les hobbits sont des escrocs ! Alors que nous avions réservé un king size, il se révèle à peine plus grand qu’une boîte à chaussures, nous ne sommes pas des minipouss’ ! Good on us, Pippin nous conseille une autre place pour dormir, Whakapapa village. A l’inverse, ici c’est la folie des grandeurs ! Perdu au milieu de nulle part, Château Tongariro ! Malheureusement, nous n’aurons pas la chance de croiser le Roi Soleil commanditaire de cette audace architecturale.

Sarouman ou Gandalf, magie blanche ou noire, même combat, face à la météo, rien à y faire ! Le jour de notre départ, il ne fera pas très beau, et personne ne peut y remédier. Pire, nos dernières consultations nous prédisent deux premiers jours très humides.

Effectivement, le jour en question, nous échangeons nos capes d’invisibilité contre de biens plus utiles rain cover. A peine notre journée débutée, nous voila obligés de couvrir nos sacs pour les préserver des caprices du ciel. Il s’agit bien de caprices, car toute la journée, alterneront pluie diluvienne et accalmie salvatrice. Dans ces conditions, il faut une bonne dose de « sisu » (comme disent les finlandais) pour avancer. Malgré tout, nous profiterons de tout ce qu’il nous est offert de voir, qu’il pleuve ou qu’il vente, ou les deux. Taranaki falls, upper and lower Tama lakes, nous ne reculons pas face aux éléments. Néanmoins, dans ce paysage si particulier, avec ce tapis de végétation, les nuages bas et la pluie donnent un certain cachet à l’ensemble. Cependant, 6 heures par ce temps de Breton, s’en est assez. Nous sommes bien heureux d’arriver dans un refuge chauffé par un bon poêle à bois. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, aucun membre de la Communauté de l’Anneau ne ronflera cette nuit là.

La deuxième journée est censée être pire que la première, heureusement elle est moitié moins longue. Bon présage, le ciel se dégage peu avant notre départ. Ruapehue et Ngauruhoe se débarrassent de leurs écharpes nuageuses pour se révéler à nous. En effet, nous avons beau avoir évolué à leurs pieds hier, ils étaient invisibles, la tête dans les nuages. Nous ne traînons pas plus, il faut en profiter. Bien nous en a pris ! La jonction avec Oturere Hut se fait sans même avoir essuyé une averse. Ca s’est joué à peu, à peine installés, ça retombe ! Comme par hasard, le chauffage au gaz ne fonctionne pas, plus de gaz. Damned ! Nous passerons encore une nuit emmitouflés dans nos blousons, une habitude maintenant.

Avec ce froid de canard, nous ne nous faisons pas prier pour plier bagage. Ce dernier jour est aussi notre plus grosse journée de marche, 8h30 annoncées! Le soleil n’est pas réellement au beau fixe, le plafond de nuages est bas, les sommets nous sont masqués. Ceci dit, cette ambiance sied très bien aux paysages volcaniques, sombres que nous traversons. Chaque mètre parcouru suscite l’admiration.

Arrivés aux pieds de la montagne du destin, nous devons changer de braquet. Finies les plaines, place à la montagne, c’est là que se décide le vainqueur d’étape. Aujourd’hui, pas d’échappée, nous restons groupés. Avec la purée de pois qui sévit au sommet, on risquerait de se perdre. La visibilité est en effet très, très limitée. C’est la croix et la bannière pour apercevoir les « cartepostalesques » lacs qui s’y trouvent. Heureusement, nous pouvons compter sur quelques trous dans la couche nuageuse pour nous en offrir un meilleur aperçu.

Pour couronner le tout, le vent est glacé. Il ne faut pas se découvrir d’un poil, sinon comme les tussocks : givrés ! Remarque, dans ces conditions, l’œil de Sauron est aveugle, nous laissant bien tranquilles. Du vent, du froid, du brouillard, de la glace, l’ascension à des allures d’expédition himalayenne, exception faite du flot ininterrompu de touristes. Au sommet, le magnifique panorama sur les environs nous récompense de nos efforts. Le soleil semble en passe de gagner son duel avec le brouillard, la vue sur la plaine est splendide, nous restons abasourdis par ces paysages.

La descente s’aborde à petite allure, le piétinement de la foule a rendu le passage boueux, watch our feet pour ne pas dévaler comme une pierre. Arrivés en bas, le ciel semble nous narguer, chaque fois que nous nous retournons, le bleu gagne du terrain sur les nuages, mais impossible de faire machine arrière. Sur ce coup là, nous ne sommes pas vraiment bénit des dieux. A trois heures près, nous aurions eu un ciel magnifique.

Mais ce n’est pas bien grave, Ruapehue, Ngauruhoe et Tongariro restent magiques, même d’en bas.

Sur la dernière partie de notre parcours, pas forcément la meilleure, nous nous faufilerons à travers un dense bush et de boueux passages avant de rallier notre auberge.

Fières d’avoir affronté les éléments, nous garderons un souvenir mémorable de ce circuit à travers des paysages fabuleux. Notre histoire d’amour avec la région du Central Plateau ne fait que commencer.

2 réflexions sur “Sale temps pour les Hobbits

  1. Ah ouais, franchement ça devait être difficile de ne presque rien voir. Mais quand même, c’est magnifique je veux bien vous croire. Gros bisous

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