Lost in la Ciudad Perdida

Vous pourrez le dire dans n’importe quelle langue, prononcer le nom de cette cité a quand même un sacré cachet, la classe internationale en quelque sorte, ça nous correspond assez bien ! Maintenant que le trek est derrière nous, nous ne nous demandons même plus pourquoi la Cité Perdue s’appelle comme ça.

Pour faire notre trek, nous avons fait appel à un organisme : Ethnotour Wiwa. Dès notre arrivée à Bogota, nous nous étions mis en quête d’un organisme pour ce trek. Notre hébergeuse nous avait alors vanté les mérites de cette toute nouvelle agence dont les guides sont de vrais indigènes de la Sierra Nevada. Ca a fait tilt tout de suite ! L’idée de rencontrer un indigène wiwa bien vivant nous a immédiatement plu. Le matin de notre départ, c’en est un qui nous accueille, le premier contact est déjà bon.

Ensuite, ça tâtonne un peu. Sûrement dû à la jeunesse de l’agence, l’organisation est hésitante. On nous balade un peu pour aller récupérer les vivres et rejoindre la jeep qui nous amènera au point de départ. Au moment de charger les affaires, nous nous rendons compte qu’il va d’abord voir ailleurs si nous y sommes. Aaaargh, nous aurions pu dormir une heure de plus, au vue de notre état de fatigue cela n’aurait pas été du luxe.

Enfin, l’heure du départ arrive, nos jambes frétillent d’impatience à l’idée d’entamer le trek. Pour nous c’est une première de partir aussi longtemps en randonnée, il nous tarde de voir ce que cela va donner.

Après deux interminables heures de voiture, nous arrivons à notre point de départ ; Mamey. Même pas partis que nous mangeons déjà ! Des sandwichs, du coca, c’est un peu rustique, mais avec ça nous tiendrons largement la distance. Et nous retrouvons notre guide, Vicente. Nous comprenons le désarroi de ceux qui s’attendaient à un nom aux sonorités exotiques, ça ne fait pas hyper indigène. Mais garanti, la tenue, la tête, la taille, les accessoires, tout y est, c’en est un.

Une fois la mule chargée, nous pouvons partir. Sur ce premier tronçon notre guide ne sera pas souvent à nos côtés. Au mieux il nous dira de suivre la jeune fille qui guide la mule, au pire nous serons seuls. Un comble pour un guide ! Mais ce n’est pas bien grave, nul besoin de sa présence pour apprécier ces magnifiques paysages montagneux du Machete Pelao. Sur ces premiers kilomètres, nous avons fait parler la poudre. En l’espace de 2h54 nous gagnons notre premier lieu de résidence, ce qu’ils appellent ici des cabañas. Nous sommes les premiers arrivés, pas mal quand même. Surtout que le chemin était raide, très raide même. Pendant une heure et demie nous n’avons fait que monter, monter, monter. Cette suite de lacets nous a paru interminable. Une fois arrivés au sommet, la vue dégagée est splendide, d’autant plus que le soleil est comme nous, au top.

Les cabañas, ce sont des maisons de tôles où le seul confort est la moustiquaire de votre hamac, des douches froides et des toilettes sans papier, rustique donc. Installés dans notre abri de fortune, nous ne tardons pas à comprendre la raison de l’absence de notre guide. Il est borracho, saoul ! Personne ne nous avait dit que c’était une tradition indigène ! Au lieu de passer une soirée détendue, à échanger avec lui, il ne nous dira que des phrases sans queues ni têtes, et nous laissera croire qu’il n’y a pas assez de nourriture pour le trek. Un début sur les chapeaux de roues ! Certainement pour cuver un peu ses bières, il nous abandonnera à notre triste sort, nous rejoindrons un autre groupe de randonneurs pour passer la soirée, histoire de s’occuper.

Le lendemain, nous faisons un peu la tronche. Nous qui nous faisions une joie de faire le trek avec un indigène, nous voila maintenant avec un guide alcoolique ! Nous ne voulons pas rester avec lui, la méfiance est de mise. Par chance, le groupe de randonneurs avec qui nous avons échangé la veille est aussi sur le départ, nous décidons de nous joindre à eux pour la caminata.

Il est 8h30 du mat’, nous ne le savons pas encore mais 2h45 de marche nous séparent de notre prochain pit-stop. Et le moins que l’on puisse dire c’est que les sentiers sont loin d’être des autoroutes pour randonneurs. De la boue, de la boue, des rochers glissants, des petits cours d’eau et encore un peu de boue. Ne comptez pas ramener vos chaussures propres ! Au delà de ces considérations esthétiques, il faut surtout faire attention où l’on met les pieds, une glissade, une morsure de serpent ou de tarentule est très vite arrivée sur ces terrains !

Lorsque nous arrivons à la cabaña suivante, celle appartenant à notre agence, l’idée de rester avec notre guide ne nous enchante guère. A ce moment là, nous sommes les deux seuls touristes, les groupes des autres agences s’arrêtent un peu plus loin. Potentiellement, nous sommes seuls avec lui et ses bières. Coup de bol, un groupe de biologistes loge pour la nuit dans ce campement. Et encore mieux, ils sont ultras sympas ! Le hasard, le destin, la bonne étoile, tout ce que vous voulez, mais souvent nos petits tracas se transforment en moments agréables.

Mario et Jaime, sont deux des trois biologistes travaillant dans la Sierra Nevada. Mario s’occupe de recenser les espèces de papillons de la région, Jaime des mammifères. Avec eux nous irons nous baigner dans le fleuve pas loin de notre camp, nous passerons aussi toute l’après midi et la soirée à discuter de sujets divers et variés. Une belle rencontre, qui en plus tombe au bon moment. Et doublement même. C’est un fait, nous ne voulions pas trop discuter avec notre guide, mais pour ne rien arranger, le temps a tourné au vinaigre, la pluie a remplacé le soleil !

Toute une après midi, sans Internet, sans télé, sans radio, sans électricité, bref sans rien sauf notre hamac, ça aurait pu être très long. Au contraire, en leur présence le temps a passé vite, et que du bon temps.

Mercredi 13 juin, 5h30 du matin, nous rentrons dans le dur, une grosse étape de marche nous attend aujourd’hui. Avant de partir, notre guide nous annonce 4 à 5 heures de marche, sur ces chemins accidentés, rendus glissants par la pluie, ce n’est pas qu’une partie de plaisir qui nous attend.

La rencontre des biologos nous a un peu détendu, notre guide est aussi un peu plus présent et attentionné vis-à-vis de nous, les relations se dégèlent progressivement. De toute façon, en marchant, nous n’avons pas forcément beaucoup de temps pour parler de la pluie et du beau temps. Dommage, il y’aurait de quoi dire ! En effet, tout au long de notre trek (sauf le premier jour), le schéma aura été le même, le matin il fait beau, l’après midi il pleut. Schéma binaire qui s’applique avec une régularité décourageante.

Au lever du jour, lorsque nous partons, les paysages sont spectaculaires. La petite brume matinale se lève, laissant ainsi découvrir les paysages exceptionnellement verdoyants des environs, magnifique. Le soleil matinal est aussi un pur enchantement pour nos photos.  A lui seul, ce tronçon présente toutes les difficultés de notre randonnée. Une longue et raide montée, la traversée d’un fleuve, un passage dans la forêt humide avec glissades intempestives, bref, une épreuve. Après 4h50 de marche notre récompense nous attend, le paradis.

Nous avons atteint le Paraiso Teyuna, autre nom du paradis ! Pour les coordonnées c’est facile, c’est à 2 jours de marche de Mamey, accessible depuis Santa Marta en 2 heures. C’est accessible à tout le monde, les pires pêcheurs compris, il faut simplement une petite condition physique, des bonnes chaussures, rien de plus. Au catéchisme on vous a raconté des bobards ! Déjà sur le meilleur moyen d’accéder au paradis, mais aussi sur le paradis lui-même. Nous pouvons en attester, il n’y a pas un ange dans les parages. Ils ont surement été repoussés par les odeurs de chaussures humides et des slips qui sèchent, ça n’a rien de très glamour le paradis ! A ce compte là, nous nous demandons bien à quoi ressemble l’enfer, ça ne doit pas être piqué des vers !

Avec nos amigos, nous passons l’après midi à nous détendre, et même à faire une petite sieste. De toute façon, comme à son habitude, la pluie a fait son apparition, 12h30 l’heure du crime, la bougresse est précise comme un horloger suisse ! Jusque là nous avons eu du bol, la pluie tombait en plein pendant notre repos aux cabañas.

Le Paraiso est hyper bien placé pour accéder à la Ciudad Perdida, à peine une heure de marche et vous y êtes. Un dernier morceau de bravoure nous attend avant d’arriver à la Ciudad, un escalier aux 1 200 marches étroites.

Il faut savoir que l’accès à la Cuidad Perdida ne se fait pas sans l’autorisation des indigènes de la Sierra Nevada. D’une part ce lieu est sacré pour eux, et d’autre part, la Sierra Nevada est considérée comme territoire indigène. Pour les autres groupes, nous ne savons pas si le cérémoniel fut le même, mais pour nous il respectait les traditions des indigènes.

Ainsi, avant d’entamer l’ascension des escaliers il nous a fallu faire un tour sur nous même, ensuite, afin de demander l’autorisation aux esprits d’accéder à la Ciudad, nous avons fait une offrande de feuilles de coca avant d’entamer un petit tour de la plateforme. Avant ce cérémoniel, pas question de faire de photos ou de filmer, cinq minutes de silence et de réflexion. Notre guide veillait au respect scrupuleux de ces étapes indispensables pour accéder à leur lieu sacré.

Ce côté mystique ajoute une touche supplémentaire et participe incontestablement au merveilleux de ce site. Une fois réalisés ces rituels, nous accédons à la Ciudad Perdida. Dans ces lieux, ce ne sont que des plateformes qui s’offrent aux visiteurs. Celles-ci étaient en fait les fondations sur lesquelles étaient bâties les maisons afin de laisser s’écouler les eaux de pluie, ingénieux. Si nous voulions faire nos rabat joie, nous vous dirions que la Ciudad Perdida n’est qu’une succession de ronds d’herbes. Un peu léger quand même. Surtout quand nous nous retrouvons au sommet, avec ces fameux ronds en face de nous, nous imaginons l’immensité des lieux lorsqu’ils étaient habités, nous sommes admiratifs. Au total ce sont plus de 250 plateformes qui ont été recensées, avec sur chacune une famille installée, au total ça fait un paquet de monde. Dans le dédale de passages qui compose la Ciudad, sans guide nous nous y perdrions, submergé par la forêt, nous n’avons pas de point de repère.

Le cérémoniel d’entrée, la forêt qui recouvre les lieux, ces constructions originales, tout participe à notre bonheur dans cette visite, il y a une ambiance bien spéciale qui a accompagné cette visite.

Nous sommes maintenant en fin de matinée, nous n’avons pas de temps à perdre, il nous reste beaucoup de marche avant de pouvoir rejoindre de nouveau notre cabañas Wiwa, et les nuages commencent à descendre des montagnes, la pluie approche.

Même si le paradis ne ressemble pas à la conception que nous en avions, une chose est sûre, ça ne manque pas de bouffe. Une fois englouti notre almuerzo, départ pour la caminata et vite ! Avec la pluie, les fleuves se gonflent d’eau et deviennent plus difficiles à traverser.

Le déluge s’abat sur nous ! A peine avons-nous mis les voiles que la pluie fait son apparition, la traversée du rio se fait sans accroc, par contre il va falloir marcher pendant 4 heures sous cette averse permanente qui nous trempe les os ! Ca nous rappelle l’Islande, sauf que nous ne sommes pas dans notre happy camper. Trem-pés ! Quand nous arrivons au campement Wiwa, nous n’avons qu’une hâte, nous doucher et nous mettre au sec pour nous réchauffer un peu.

Cette fois, pas d’échappatoire, nous sommes seuls avec notre guide, nobody else ! Il faut reconnaître qu’il a été meilleur ces derniers jours. Nous regrettons vraiment cette entrée en matière désastreuse. Surtout qu’il a plein de choses à nous apprendre. Après le diner (qu’il nous a concocté), nous passerons la soirée à discuter avec lui des traditions indigènes. Aujourd’hui encore, nous restons scotchés. Nico a lu une saga préhistorique dans laquelle étaient évoqués certains rites (passages à l’âge adulte chez les hommes par exemple), et Vicente nous a donné le détail de leurs propres rites, ce sont les mêmes, juste incroyable. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, mais au cours de la discussion, nous allions de surprise en surprise. La communauté, le rôle du chamane, les rites, ça existe vraiment, ce n’est pas que dans les livres d’Histoire, de Préhistoire même.  Après tous nos échanges, une conclusion s’impose, nous sommes à des années lumières du mode de vie des indigènes, qui lui n’a pas changé depuis des millénaires, surréaliste.

Le trek touche à sa fin. Ce vendredi 15 juin nous retournons à notre point de départ. Tout au long du chemin nous serons traités comme des rois. Aux étapes, nous aurons droit à des jus de fruits frais, des petits en-cas, la totale. Et dire qu’au début il nous avait laissé croire qu’il n’y aurait peut être pas suffisamment de nourriture, jamais de la vie. Dans les cabañas, c’est la vie en communauté, tout est mis en commun, tout est partagé, enfin non, pas les barres chocolatés qui font office de dessert, mourir de faim c’est impossible dans ces conditions.

Après cinq bonnes heures de marche nous arrivons. Encore une fois nous avons performé, nous sommes les premiers, beaux gosses ! Au pied du panneau indiquant les étapes, nous mesurons notre performance, en cinq jours nous avons parcourus 46,6 kms, en montée, en descente, dans la jungle, dans la boue, dans le fleuve, pas de la gnognotte en résumé. Comme on dit chez les jeunes, nous avons kiffé.

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