Nous ne regarderons plus jamais un verre de vin de la même façon. Le nez, la larme, la robe, les arômes, les tannins, ces mots n’évoquent qu’une chose : le plaisir. Souffrance, sueur, mal de dos, courbatures, ceux là n’ont pas droit au chapitre. Pourtant, sans eux pas de vendanges et encore moins de vin. Après deux semaines d’immersion, nous avons découvert la face cachée du vin, celle qui fait mal au dos, pas à la tête.
Comment trouver du boulot dans les vendanges ?
Ca, c’est Bibby, Richard de son prénom, qui s’y colle. Cheveux gominés, teint hâlé, lunettes de soleil et gros 4×4, voila le portrait de notre gars, un contractor de chez Thornhill. Adam Smith de son époque, sa mission se résume à faire correspondre l’offre (de pickers) avec la demande (de ramasseurs pour les vignobles, vergers et autres fermiers). Avant d’arriver à lui, PickNZ, nous a filé un coup de main. La tronche de l’employée nous a d’abord fait penser à une agence de pompes funèbres, mais non ! Ni dans la joie, ni dans la bonne humeur, elle nous a mis en relation avec Bibby. Arrivés lundi soir, nous commençons le picking le surlendemain. A défaut d’être joyeuse, elle a été efficace.
Et alors, le ramassage il se fait grain par grain ?
Oh les débutants ! De plus en plus, la main de l’Homme est remplacée par celle (bionique) de la machine. Mais, le ramassage à la mano reste un gage de qualité, de même qu’un argument marketing de poids. Pour prouver à la Terre entière la supériorité de l’homme sur la machine, nous avons bossé…comme des robots. Le process est simple : entre deux poteaux, une paire de pickers doit ramasser tout ce qui est petit, rond et rouge (un indice pour arriver à un jeu de mot pourri : ça se porte sur la tête). Avec le sécateur, on coupe la grappe, et on la dépose dans la cagette, ce n’est pas bien compliqué. Nina, la contremaîtresse thaï, martelait la seule erreur à ne pas commettre: « Don’t put dry leaves in the crate !» (en anglais dans le texte, mais sans l’accent).
Est-il important d’avoir des français pour réussir ses vendanges ?
Cela sonne comme une évidence, pas de bon vin sans un français dans le coin. Heureusement, Craggy Range a pu compter dans ses rangs deux des plus beaux spécimens gaulois : nous ! Face à la colonie de Thaïlandais, Maoris et Tongiens/Samoans, pas sûr que la french touch’ se sente beaucoup dans le résultat final. M’enfin bon, c’est surtout pour eux que nous disons ça…Mais peu importe, la majorité de leur vin est vendue aux anglais, canadiens, américains, bref que des nations qui n’y connaissent rien au vin…
Le raisin est il aussi bon à boire qu’à manger ?
Nous avons cueilli deux cépages, le cabernet Sauvignon et la Syrah. Incontestablement, nous avons préféré le second. D’ailleurs c’est essentiellement celui-ci que nous avons ramassé. La faute a un été exceptionnel (pas vu depuis 1947), les grains sont gorgés de sucre comme rarement. Par contre, les baies ne sont pas grosses, il faut manger un paquet de grappes avant d’être rassasié. Avec la quantité accrochée aux vignes pas besoin de se gêner, il n’y a qu’à se servir. Le midi, cela constitue un dessert parfait, léger et équilibré.
Alors l’ambiance vendange ?
Ce n’est pas la fiesta bamboula, tout le monde bosse. Couverts de la tête aux pieds, les Thaï se font discrets, bossent (très) vite et (super) bien. Les Fidjiens / Samoans, sont moins soigneux, et pas discret du tout, ça crie, ça embête nos potes asiat’ et ça rigole, on entend qu’eux. Avec leur accent à couper au couteau les maoris, sont souriants, discutent peu et bossent dur, en poussant un petit haka de temps en temps. Enfin, nous, ça bosse à fond la caisse en prenant soin de bien traiter les raisins pour qu’ils soient pleinement épanouis au moment de se diriger vers les cuves. Nina veille sur tout ce petit monde, histoire que ça file droit, une vraie terreur des bacs à sable. Une fois la journée terminée, pas d’extra, pas de verre de l’amitié, pas de barbecue, tout le monde rentre chez soi, SLC, Salut Les Copains !
Combien on ramasse en une journée ?
Dans un bon jour, la cueillette peut être monumentale, voire même record. Pour notre dernière journée, nous avons entassés 48 tonnes de raisins dans les tonneaux de Craggy Range, le record du vignoble ! Avec une quarantaine de travailleurs, cela fait quand même 1,2 tonnes de raisins ramassées en moyenne par personne. Mieux que les poires, mieux que les nashis alors que les fruits sont riquiqui. Cette performance s’explique aussi par le fait d’avoir débuté à 7h du matin pour finir à 18h15. Si l’inspection du travail était débarquée, Craggy Range aurait fermé boutique. Les Portaloo débordant des dons quotidiens des cueilleurs auraient commencé par les effrayer, les vendanges « by night » à la bougie les auraient achevé.
Et vous, vous avez ramassé le pactole ?
Payés 13,75$NZ de l’heure avec 12 % de taux de charges, ça aurait pu l’être. Surtout que les journées sont longues, jusqu’à 10 heures. Mais pour cela, il faut une météo impeccable. Si la veille au soir, quelques goutes de pluie sont prévues, pas la peine de se déplacer, nos gars de Craggy Range sont du genre à ne prendre aucun risque. Mais, la météo se plante souvent, tout le monde le sait, sauf eux. Ainsi, sur 14 jours de présence, nous n’avons travaillé que 5 journées.
Mais alors, que fait on quand il n’y a pas de boulot ?
Quand la pluie s’en mêle, pas moyen de bosser, ni de sortir, c’est réglé d’avance. Heureusement, notre cabine quasi-luxueuse d’Arataki Holiday Park était un agréable nid douillet. Dans cet immense logement d’environs 15m², nous avions tout l’espace pour cuisiner ou regarder des documentaires sur de futures destinations. At Ease était devenu notre seconde maison, un peu comme la cafétéria pour Hélène et ses garçons. Ce café est aussi le seul de la ville à proposer le wifi illimité, en plus d’excellents cappuccino, long black et yoyos.
En revanche, s’il fait beau et qu’on ne travaille pas, nous suivons notre règle n°1 en Nouvelle Zélande, nous sortons ! La région n’est pas ce que l’on appelle un centre touristique majeur. En dehors de Te Mata Peak, rien d’oufissime. Ce sommet à la façade ondulée vaut le coup d’œil pour le panorama qu’offre son sommet, mais aussi pour sa balade. En redescendant, nous passons à l’ombre d’une forêt de Séquoias dans lequel les Tui tentent d’échapper à un paparazzi. Napier, c’est l’autre must, la ville Art Déco mondialement connue en Nouvelle-Zélande. Certes, les bâtiments sont tous emprunts de cette signature, mais les devantures commerciales mal assorties gâchent la jolie harmonie architecturale de cette ville. A part ça, plus grand-chose, quelques visites de vignobles, un passage chez Arataki Honey, une glace chez Rush Munro’s, un Farmers Market et puis plus rien.
Les vignerons ne boivent-ils que du vin ?
L’image du vigneron tirant son vin du tonneau pour s’offrir un canon de rouge a vécu ! Ici, quand les vendanges sont terminées et les gorges asséchées, c’est une Tui que l’on dégoupille. C’est à cette scène surréaliste que nous avons eu le désespoir d’assister. Samedi 13 avril, la saison de la cueillette s’achève chez Craggy Range. Paul, le vineyard manager, nous a convié à boire une petite mousse en compagnie de ses équipes pour marquer l’évènement. Toujours dans les bons coups, nous voila au cœur du drame. Alors que nous aurions pu espérer l’ouverture d’un cabernet sauvignon en grande pompe, c’est une Tui qui nous attérit dans les mains ! La politesse nous dicte de ne pas refuser, le savoir vivre nous oblige à en prendre une autre, mais jamais bière n’eu cet arrière goût de trahison ! Pire que tout, Paul n’aime pas le vin, sa femme goulotte pour deux (d’autres font de même…) ! Un mythe s’effondre, le ver est dans le fruit !
Des nashis, des poires et des raisins, quel est le plus dur à ramasser ?
Le potiron ! Ce n’est ni une nouvelle race de poire, ni un nouveau cépage. Dimanche, après en avoir fini chez Craggy, nous textotons Bibby pour savoir s’il a de quoi nous occuper. Le beau gosse nous confirme qu’il a encore un peu de cueillette de raisins pour nous, RDV pour le lendemain 7h. Collés au train de la navette transportant les autres pickers, les vignes s’effacent progressivement au profit des champs…bizarre ! Arrivés à destination, c’est un champ de potirons, les légumes les plus difficiles à ramasser, pile ceux que nous ne voulions pas faire, l’horreur ! La (mauvaise) réputation n’est pas qu’une légende ! Couper, déplacer, aligner, voila le triptyque de la souffrance. Ca casse le dos, ça fatigue les bras, ça use les nerfs, c’est pire que tout. Le champ fait bien son kilomètre de long, impossible de faire un pas sans tomber nez à nez avec un potiron, c’est terriblement long. Après quatre heures qui nous en ont paru trente, on nous libère du calvaire. Cette fois-ci, nous allons ramasser des raisins chez Alpha Domus, un soulagement.
Cette expérience sera notre dernière. Le lendemain, la pluie retombe de plus belle, les prochains jours ne s’annoncent pas mieux. Après deux semaines ici, nous avons fait notre temps. En deux temps trois mouvements, nous dénichons un nouveau plan helpXchange, départ programmé mercredi pour Rotorua. Nous laissons notre petit cocon d’Arataki Holiday Park. Ah oui, vous ne savez pas la meilleure, les deux dernières nuits nous ont été offertes, toujours dans les bons coups…
Bien marrant ce post.
En tous les cas, vous bossez bien dur mes pov’! Mais bon ça forge le caractère, travailler au mcdo à côté, c’est de la rigolade !
Finalement, la nouvelle zelande ne diffère pas trop de la France, tant qu’il y a du vin, du fromage et du pain…
Salut les copains du Last Light !
Visiblement vous continuez de gérer idéalement bien votre trip. Bcp de rencontres et de bons coups, ça fait plaisir !
Rotorua c’est un joli coin, chargé de culture Maori, mais attention, très business et Tourisme.
Je vous conseille bcp plus Taupo si vous pouvez. De loin mon coup de coeur de l’île du Nord avec Welly. Courir autour du lac au soleil couchant. Priceless.
Le lac de Rotorua a du potentiel mais est sous exploité et les odeurs de souffre des résurgences volcaniques, pas terrible.
Je continue de vous suivre.
Jerem
Hey,
Ça nous fait super plaisir d’avoir des news !
Bien vu, Rotorua est (enfin était) notre destination suivante, ça ne nous a pas fait hyper vibré, mais nous raconterons tout dans un prochain article…
Taupo, prochaine étape (après quelques détours dans Coromandel), avec la pluie qui est de plus en plus présente, le footing reste hypothétique…
Et sinon, le retour en France ?
Les Coromandels c’est cool, de très jolis coins. J’avais passé plus de deux mois à Pauanui, où les panoramas sont sympas, sinon forcément vous avez Cathedral Cove, magnifique, Hahei Beach ou Hot Water. Après j’avoue qu’avec la pluie ça doit être moins plaisant !
Je vous souhaite une meilleure météo pour profiter de Taupo et des alentours !
Je suis rentré depuis plus de deux mois maintenant. Je cherche un job sur Paris. Donc pour l’instant je fais des allers retours entre ma région et la capitale.
Peut être qu’on s’y croisera à votre retour, ce serait sympa !
Mais n’y pensez pas trop et profitez !
++
Le retour n’est pas pour tout de suite, mais effectivement ça serait sympa de se voir sur Paris.
ah j’imagine… les potirons pesent combien environs? Ca devait être physique, ça faisait longtemps qu’on n’avait plus de textes de votre pars sa nous a manqué gros bisous