A la recherche de Célia et Nico

Dimanche 7 octobre, pour Célia et Nico c’est l’aube, il est presque 9h, leurs aventures doivent les mener dans le centre de l’Otago. Pour une fois, Notre Carnet de Route ne s’est pas réveillé, leur piste s’est évaporée, les deux loulous ont disparu du radar. Pour se rattraper, Notre Carnet de Route (NCdR) va se muer en détective afin de retrouver leur piste.  A mi-chemin entre Derrick et Columbo, NCdR empruntera leurs meilleures techniques afin de les retrouver, en voici le récit.

Ok, la Nouvelle-Zélande ne fait que la moitié de la France, mais je ne me vois pas arpenter tout le pays avec la 403 cabriolet, elle ne tiendra jamais. Va falloir cibler un peu, alors un : où sont-ils partis ? Pour cela, voyons si quelqu’un chez Penny’s backpacker, leur auberge de Dunedin, a eu vent de leurs plans. Bryan*, a semble t’il quelque chose à nous confesser.

«Ce soir là, j’avais un peu fait  la fiesta avec des potes. Un peu de fumette, un peu d’alcool, je deviens tout de suite plus bavard. Lui, il était dans le salon, posé dans le canap’ avec sa gonzesse. Il avait un peu de mal à comprendre ce que je disais. Le temps que ça monte au cerveau, j’ai un peu maté leur paperasse, à coup sûr ils s’embarquaient pour l’Otago Central Rail Trail, une rando hyper célèbre ici. Cette ancienne voie de chemin de fer réaffectée peut se parcourir en plusieurs jours, à pieds, à cheval ou à vélo. En plus, la météo de ce dimanche annonce un temps canon !Chui resté un peu, à parler avec un couple d’allemands, j’ai un peu tendu l’oreille, j’ai cru entendre Hyde, Tiroiti, mais avec leur accent, c’est trompeur.»

Je tiens ma première piste ! Pas de temps à perdre, direction Hyde, espérons que la 403 tienne le choc jusqu’à la bas, j’espère y dénicher quelques indices supplémentaires. Sur la route, je fais une petite pause sur une des nombreuses aires de repos, le temps de m’avaler une Speight’s, y’a pas que le boulot ! Connaissant les loustics, ça ne m’étonnerait pas qu’ils se soient arrêtés ici pour leur petit déj. Oui, car la manageuse du Backpacker m’a confirmé qu’ils étaient partis sans rien avaler. Des montagnes partout autour, des rochers posés là comme des bibelots sur une étagère, ce genre de paysage, c’est pour eux ! D’ailleurs, la trace de porridge encore fraîche sur la table, ne fait que confirmer mon ressenti, la piste se réchauffe.

Une fois arrivé à Hyde, je tente d’établir un contact avec un habitant, pas évident ici, on dirait une ville fantôme. A tout hasard, je tente l’hôtel du coin, qui fait aussi café-lunch-bar. Personne, mais au moins il y a des sanitaires, tout le monde connaît les effets de la bière… Je pousse la porte, aussi sec, la proprio se pointe, les WC sont réservées aux clients. Damned ! Si je veux y aller, je dois consommer. Vas pour un long-black. J’en profite,  je lui demande si elle les a aperçus, bingo !

«Ces deux là ne sont pas comme les autres ! J’dis ça car ils sont arrivés à pieds et l’Otago Central Rail Trail (OCRT) c’est plus pour les cyclistes. Eux aussi ont tournicoté autour du café, pour un long black ou un flat white, peu importe, t’façon à cette heure j’avais fermé la boutique. Ils ont du se contenter d’une petite pause sur la table de l’aut’ coté de la route, puis ils sont repartis. A l’heure à laquelle ils sont arrivés, ils devaient venir de Tiroiti, à 6 kms de là. Ils ont du faire l’aller-retour entre Tiroiti et Hyde, c’est le plus intéressant en plus.»

Merci M’dame ! Sa perspicacité est la bienvenue dans mes recherches, direction Tiroiti. Comme eux, j’emprunte le chemin de randonnée aménagé par le Departement Of Conservation, le ministère en charge de presque tous les chemins de randonnée du pays. Pas étonnant qu’ils aient voulu emprunter ce sentier ! Un viaduct, un tunnel, des montagnes partout autour, au milieu une rivière, cette ancienne voie de chemin de fer traversait un paysage de rêve. En chemin, je croise un kiwi, un peu bizarre, des lièvres tout autour de la taille, un fusil à l’épaule et des jumelles autour du cou, pas rassurant. Je ne tarde pas à l’interroger, à tout hasard.

«Oui, j’ai bien croisé ce couple, près du viaduc, ils avaient l’air un peu chamboulé. Je n’ai pas tout compris à leur charabia moitié anglais, moitié français, I’me semble  bien qu’ils avaient fait tomber leur appareil photo par terre, sur un caillou. En tout cas, y’avait un bel impact sur le devant de l’objectif, son filtre UV n’a pas survécu. Mais bon, plus de peur que de mal, après j’les ai pris en photo devant le viaduc, ça marchait nickel. Tu veux un lapin pour le dîner ? Je dois les chasser, ici ils prolifèrent, ils n’ont pas de prédateurs naturels, y’en a partout, une vraie peste !»

Ok, euh, non merci, pas le temps là, je dois me rendre au plus vite à Tiroiti, dès fois qu’ils y seraient encore. Un tunnel, un viaduc, des paysages grandioses, mes deux «perdus de vue» ne me déçoivent pas, cheminer ici est vraiment agréable, en vélo ça doit être encore mieux. C’est d’ailleurs ce que me confirmera cette petite famille. Lui, sa femme et ses trois gamines viennent de parcourir le même tronçon, mais à vélos.

«A la fin du tronçon, les filles étaient épuisées, elles chougnaient. Ces deux là, nous les avons croisés à l’aller, et au retour. Comme nous ils ont fait la boucle Tiroiti-Hyde-Tiroiti. Mais pendant que moi je galérais avec mes gosses, eux se dégustaient une Speight’s, les veinards ! En allant mettre un coup de tampon souvenir sur leur brochure, mes filles m’ont dit que c’étaient des frogs, et qu’elles ont entendu Omakau. Leur voiture, une vraie bagnole de backpacker, de la bouffe plein le coffre ! Elle était à coté de la nôtre sur le parking, prête à partir.»

Bon allez, direction Omakau. Pas bien évident tout ça, mais qu’est ce que je risque, si ce n’est perdre un peu de temps ? Et puis, Omakau, c’est toujours sur l’OCRT, et paraîtrait que le plus beau tronçon s’y trouve. En cette fin d’après midi, je me dirige vers Omakau, le temps est magnifique et les montagnes du Maniototo (Serge) sont splendides, magnifiées par cette lumière rasante et ce ciel bleu.

Me voila arrivé, ça nous change de Dunedin, encore une de ces petites villes kiwis. La nuit va tomber, je sens que chaque heure qui passe me rapproche d’eux. A demain, les affaires du lendemain.

Lundi matin, comme d’hab’, le temps s’est couvert. Du grand beau temps nous passons au plafond de nuages gris qui menace de tourner à la pluie, du grand n’importe quoi oui ! Que vont décider nos lulos pour aujourd’hui ? Je fonce droit vers le seul et unique loueur de vélo de la ville, «shebikeshebikes», l’employé me confirme alors qu’ils sont partis à bicyclette, direction Auripo. Ca chauffe, ils ne sont plus très loin.

«Deux français, sympas. Ils m’ont demandé 3 fois la météo, 5 fois s’il allait pleuvoir, ils ont même essayé de faire passer leur réservation de vélos, d’une à une demi journée. Pas la politique de la maison, les vélos, les sacoches, les papiers, tout était déjà prêt à leur arrivée à 8h35. Je leur ai même mis des bonbons dans leur package, histoire de leur donner un peu de courage quand la pluie arrivera, car elle arrivera, forte, juste après l’heure du déjeuner. Un vélo pour vous aussi ?»

Oui, pour une demi-journée, c’est possible ? Je dois encore aller interroger le gars du camping. Vu les prix des logements ici, le moment est tout trouvé pour utiliser leur tente pour la première fois. Mais vu que le temps tourne à la pluie, ils ont peut être changé leur plan.

«Oh non, non, non, ils sont bien là. Voyez, leur voiture est là-bas, près de la caravane. Ils avaient le choix entre la cabine et la caravane, mais la fille avait l’air motivé pour la caravane, vivre le temps d’une nuit comme une manouche semblait l’enchanter. Si vous les cherchez, ne vous pressez pas, ils seront là ce soir, la nuit est déjà payée. Aujourd’hui, ils sont sur l’OCRT, pas sûr qu’ils passent entre les gouttes.»

Dans le même camping, je croise une bande d’animateurs entourée d’une ribambelle de mômes, et hier soir il semblerait qu’ils aient partagé plus que la même cuisine.

«Nous sommes l’association light blue, affiliée à la police. Notre but est de créer du lien avec les jeunes afin que Police et jeunes s’entendent mieux. C’est ce que nous leur avons dit hier soir, juste après le dîner. D’ailleurs, nous avons partagé notre cottage pie, nous en avions préparé une tonne, du coup, ils ont profité eux aussi de nos talents de cuisiniers. Je peux vous dire qu’ils ont apprécié, ils ont même terminé le plat en se resservant, tant mieux, pas de restes, ça nous arrange.»

Ces deux là sont toujours dans les bons coups ! Pour moi, il est temps de donner les premiers coups de pédales, il est presque midi, ils ont sûrement beaucoup d’avance sur moi.

Pfff, ça y’est, la pluie, drue ! Heureusement le vélo est top, ça pédale presque tout seul. J’ai beau avancer, je ne les vois pas arriver à l’horizon. Les viaducs, les tunnels, les cheminées des ouvriers du chemin de fer, la poolburn valley et au milieu des montagnes, cette rivière d’arbres surréaliste qui serpente, tout ça, c’est magnifique. Ils n’ont sûrement pas vu défiler les 18,5 kilomètres menant à Auripo, cette ancienne voie ferrée se prête à merveille à cette balade en vélo. En revanche, pas de trace des deux loustiques, comment ai-je pu les louper. Retour à la case départ, Omakau.

Sur la route, je m’arrête à Lauder. La pluie a redoublé, un cappuccino me réchauffera. Oh hasard, il me remettra aussi sur la piste.

«Vous les avez loupé de beaucoup ! Eux aussi se sont arrêtés, il a pris un capuccino, elle un long black, vu comme ils louchaient sur mon carrot cake, j’ai  bien cru qu’ils en prendraient, mais non. Ils ont bien sympathisé avec tout le monde, les américains, les néo-zélandais, ils étaient les derniers à partir, après avoir pris des photos de ma cuisine. Pas de bol pour eux, à peine sortis que la pluie reprenait de  plus belle. En même temps, ils ont refusé de rentrer avec le gars de shebikeshebikes qui est venu avec son camion récupérer les vélos d’autres touristes qui n’en pouvaient plus de la pluie et du vent.»

Go, go, go, il faut foncer, c’est très chaud, ils sont là bas, au bout des 8kms qui me séparent d’Omakau. En rendant le vélo, un autre employé me confirme qu’ils ont bien tout rendu, qu’ils séjournent à 5 minutes de là, au camping.

Je me pointe devant la caravane, je frappe, et voila mes deux petites têtes blondes (enfin Nico plus trop sur le dessus, et Célia, pareil, sa blondeur s’estompe). Ils m’accueillent dans leur roulotte, enfin réunis, tout est bien qui finit bien.

* Les noms des personnes interrogées ont été volontairement modifiés afin de préserver leur vie privée.

2 réflexions sur “A la recherche de Célia et Nico

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