A la poursuite des cerisiers en fleurs

Depuis les contrées chaudes du Sud, jusqu’aux confins nordistes du Japon, le Sakura zensen (littéralement front de floraison des cerisiers) remonte tout l’archipel. A kyoto, il n’était pas arrivé, bad luck ! Plutôt que de nous apitoyer sur notre sort, nous partons à la chasse aux cerisiers en fleurs, dans le Sud, où ils sont ouverts à 100 % !

Dans cette mission nous avons un allié, notre Japan Rail Pass, sorte de billet qui nous permet d’emprunter, en illimité, les trains de toutes les lignes de la Japan Rail Company (équivalent de notre SNCF nationale, mais sans les retards, les incidents de personnes, les trains bondés et vieillots, donc en mieux). Installés dans les larges sièges moelleux du Shinkansen, un train à grande vitesse, à bord de wagons modernes, propres et silencieux, on à l’impression de voyager à bord de la Rolls des trains. On le prend, reprend et re-reprend avec à chaque fois le même plaisir.

Quatre heures de train plus tard et nous voila déjà arrivés à Suizen-Ji, petite ville de la banlieue de Kumamoto. Pas de pluie, des degrés en plus, si avec ça nos cerisiers ne sont pas épanouis !

Dans notre auberge  de jeunesse, on s’attendait à un dortoir style routards. Ô surprise, la porte s’ouvre sur une chambre traditionnelle, tatamis, futons, table basse et set à thé, le tableau est complet. Ah non, manque à cela le bain japonais : des douches assises, séparées pour les hommes et les femmes, organisées autour d’un grand bain central. Dans cette auberge, nous ne croiserons presque personne, si ce n’est à l’accueil. Quel plaisir, après avoir testé une énième bière japonaise, que de prendre un bain chaud en toute tranquillité, un vrai régal.

C’est dans les meilleures dispositions du monde que la visite du château de Kumamoto s’annonce. Le soleil est lui aussi de la partie, magnifique. Entouré d’un superbe parc, l’auguste s’élève au beau milieu des remparts et allées parsemées de cerisiers pleinement épanouis, un véritable bonheur pour les yeux. L’harmonie de ses formes, la justesse des couleurs, la beauté de ses toits recourbés en font un vrai bijou d’architecture. Tout de blanc et de noir vêtu, on a du mal à croire qu’il s’agit là d’une forteresse, ses murs surélevés et infranchissables sont là pour nous le rappeler. Les cerisiers roses pâles l’entourant, ajoutent une note de douceur. Nous faisons d’une pierre deux coups, un : nous découvrons un château japonais, deux : nous sommes enfin abreuvés de sakura (cerisiers) en fleurs, quel ravissement ! Et cet enchantement n’est pas uniquement esthétique, l’ambiance qui accompagne la floraison fait aussi partie de notre engouement. Comme les fleurs, on sent les japonais épanouis. Aux pieds des Prunus serrulata, vous aurez autant de chance de trouver des pétales que des nippons en train de pique-niquer, ce n’est pas noir de monde mais presque. C’est à cet enthousiasme que l’on mesure la portée de cet évènement : c’est une fête nationale. Histoire de ne pas dénoter, nous aussi donnerons dans le pique-nique, la version plus franchouillarde avec bière et chips, peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.

Chaque expérience est un souvenir que nous ajoutons à notre album, celui de la conjonctivite en est un autre ! Jusqu’à maintenant, vraiment pas grand-chose à signaler coté santé, un nez qui coule, un petit rhume, des courbatures, un peu mal au dos, bref, pas de quoi tirer un scénario pour « Urgences » et le petit Georges. Heureusement, Nico a trouvé le moyen de s’attraper une conjonctivite. Dans le pays le plus hygiénique au monde, se choper quelque chose, oh le balourd ! Après coup, cet épisode aura été assez fun. Grâce aux Samy Naceri locaux, des taxis driver âgés qui transportent d’autres personnes âgées dans les hôpitaux, nous nous sommes fait transporter dans la clinique de la ville d’à coté. Puis, en tant qu’étrangers, nous avons été un peu l’objet de toute leur attention, nous attendons à peine pour passer, on nous accompagne à la pharmacie, on nous explique gentiment, bref on nous pouponne.

Une fois le remède miracle acheté, la vraie journée peut commencer. Ici, nous venons voir la caldeira du Mont Naka-Dake, une des plus actives au monde. Pour cela nous nous sommes concoctés un programme pour randonner autour de cette marmite géante. Classé comme le volcan le plus actif au Japon, la visite est strictement encadrée par les autorités. Ce Mont là n’est pas un rigolo, les gaz sulfureux qu’il dégage sont toxiques. Les alentours sont découpés en zones (A, B, C  et D) ouvertes à la visite lorsque les conditions de vent (puissance et direction) le permettent. Chanceux que nous sommes, quand nous arrivons sur le site un vent à décorner les bœufs sévit. Pas le temps de réfléchir, on fonce pour y aller ! Pile au moment de franchir la ligne de départ, un surveillant nous coupe la route. Avec ce vent, la sanction est immédiate, l’ensemble du site est interdit à la visite. D’humeur taquine la nature nous joue un sale tour. Notre humeur, elle, devient orageuse. Se déplacer pour voir ce spectacle unique au monde et échouer au pied de la montagne, littéralement, c’est rageant. Face à cela, une seule parade : la patience. Il faut savoir qu’ici les conditions sont suivies minute par minute, l’ouverture peut intervenir à tout moment. Deux, trois, dix, quinze minutes, rien ne se passe. On commence un peu à se résigner, on traînasse dans le bunker qui tient lieu de centre d’accueil pour passer le temps. Tout à coup, une horde furieuse de japonais se précipite vers le guichet du téléphérique. C’est le signal, le site est ouvert ! Pour ne pas qu’on nous referme la voie de la randonnée, on se dépêche nous aussi.

Dans un décor un peu lunaire, on grimpe lentement vers la caldeira. Au sommet, ça fume un max ! Pour voir l’intérieur du cratère, faudra repasser. Seule la zone C est ouverte et la vue est à peine meilleure que depuis le centre d’accueil. La zone D, qui nous permettrait de voir le cratère, est interdite au public, le sort s’acharne sur nous ! Rebelote, on décide d’attendre. Après une bonne demi-heure d’attente, les cordons de sécurité sont retirés. Une bonne étoile veille sur nous, c’est sûr et elle a persuadé mère nature de nous laisser assister à ce spectacle unique. Pendant quelques minutes à peine, nous pourrons voir les entrailles glougloutantes du Naka-Dake. Great-O (comme ils disent ici) ! Cette eau d’un bleu pâle et laiteux ne cesse de faire des bulles, on sent la terre vivre la dessous, c’est un spectacle étonnant. Le plaisir sera éphémère. Le vent se remet à souffler dans la mauvaise direction, il faut évacuer, on comprend pourquoi. En Islande, l’odeur du souffre était la seule gène, ici, en plus de cette odeur particulière (d’œuf pourri), on sent que les gaz sont plus nocifs, quelques bouffées inspirées et notre gorge nous démange déjà. Avec tous ces aléas, notre programme de rando à pris du plomb dans l’aile. Au moins, nous avons vu l’intérieur de la bête. Pour finir, nous nous dirigerons vers notre arrêt de bus à quelques kilomètres de là, dans un décor montagneux aux couleurs étonnantes, une belle fin de journée ! Pour nous récompenser de notre courage et notre patience, nous nous concocterons un bol de nouilles qui fera saliver nos colocataires…

En venant dans cette région, nous avions une autre arrière pensée, se prélasser dans un onsen.  A deux pas de chez nous (plus ou moins selon la pointure) se trouve Kurokawa, ville thermale hyper réputée au Japon. A 500 yens la cure, faut pas se priver. En pleine nature, nous pouvons profiter des sources chaudes naturelles, au milieu de la forêt, au bord d’un petit ruisseau, c’est le top. Dans ce genre d’endroit, nous sommes vite gagnés par la zenitude, on comprend aisément pourquoi les japonais s’y précipitent dès qu’ils le peuvent. Après ce bain, nous sommes vidés de toute énergie, ne nous reste plus qu’à rentrer à l’auberge pour se concocter un petit bol de nouilles pour que notre journée soit parfaite.

Fukuoka est réputée comme l’une des villes où l’on mange le mieux au Japon, il n’en fallait pas plus pour nous y faire venir. Là-bas, nous changeons d’atmosphère, fini la petite ville encerclée de montagnes comme à Aso, nous sommes dans une grande ville, moderne, en bord de mer. Nous passerons une demi-journée à arpenter ses rues, le temps de s’imprégner du caractère de cette ville, qui malgré sa taille, garde une ambiance assez décontractée. La preuve, tous ces gens qui se précipitent dans les parcs de la ville pour y faire des pique-niques top niveau. Veuve Clicquot, barbecue, matelas gonflable, lumière, table basse, on est loin du jambon-beure, cornichons, plaids et vin rouge de nos contrées. Evidemment, tous n’ont pas ce standing, en revanche, ils ont un point commun : le plaisir de venir s’installer en dessous des centaines de cerisiers en fleurs qui, comme une vague, ont submergé le Nishi Park. Ici, nous avons goûté une atmosphère franchement conviviale, même si nous n’avions rien à grignoter, snif.

La tristesse sera de courte durée! Les yataï nous attendent. Dans ces petites gargotes faites d’une cuisine sommaire et de quelques tabourets, le tout protégé par une bâche en plastique (pour les plus luxueuses quelques planches de bois) on vous prépare la spécialité de la ville : les Hakata ramen, des nouilles avec quelques lamelles de porc grillé. Des petits guignols, qui ne parlent que quelques mots d’anglais, mais qui mettent de l’ambiance dans leur « restaurant », seront nos hôtes du soir. Ca crie, ça rigole, ça discute avec le client, tout cela est bon enfant et la nourriture très bonne.

Depuis la France, vous devez halluciner de nous entendre manger tant de nouilles. Certes nous sommes un peu addict, mais ici les spécialités régionales sont, pour beaucoup, à base de nouilles (ramen, udon ou soba), donc si on veut manger local, on n’a pas trop le choix. En dégustant ces nouilles, nous n’aurons qu’un rapide aperçu de la qualité de la cuisine à Fukuoka, nous aurons surtout profité des charmes de la ville, notamment ses parcs, plus que de tout le reste.

De Fukuoka, nous rejoignons Yanagawa par le chemin des écoliers. Même si le parallèle est un peu excessif, on la qualifiera de Venise du Japon. On en est quand même loin, mais c’est pour vous donner une idée. Donc oui, Yanagawa, est une petite ville quadrillée par des canaux, mais les maisons ne sont pas non plus les pieds dans l’eau. Ca reste quand même très mignon. En plus, le soleil est au rendez vous. Une fois embarqués sur notre « donkobune » (petite barque) on se laisse porter au rythme des efforts de notre boatman / guide. Un sacré numéro celui là, à se fier aux rires des japonais, on devine qu’il fait beaucoup d’humour. Deviner, vous avez bien lu, à part quelques rudiments d’anglais, tout est expliqué en japonais. Du coup, même si, grâce à la gentillesse d’une japonaise d’Hawaï, nous avons eu quelques explications, la majorité nous est passée au dessus de la tête, comme les ponts qui jalonnent le parcours. Mais bon, bercés par la voix de notre guide, et par ses chansons, nous nous sommes laissés porter sur ces canaux, un vrai moment de détente et de bonheur. A la fin de cet épisode, nous sommes partis à la découverte de la ville, mus par nos propres moyens cette fois ci. A cette heure de la journée, au moment du repas et du 13 heures de TF1, on s’y sent un peu comme dans les villes de Provence. On a l’impression que tout le monde est chez soi en train de faire une petite sieste, pendant qu’à l’extérieur le soleil tape. Du coup, tout est tranquille, c’est à la fois de la découverte, mais aussi de la détente. Pour couronner le tout, nous avons dégusté le plat typique de la ville, l’unagi. De l’anguille grillée selon une méthode ancestrale, le tout sur un lit de riz parfumé avec une sauce dont on ignore le nom, dans ce restaurant au décor raffiné nous nous sommes régalés, un pur bonheur.

C’est  sur cette douce note que notre séjour sur l’île de Kyushu s’achève. Heureux d’avoir enfin vu les cerisiers en fleurs, nous pouvons dorénavant mettre le cap plus au Nord pour continuer à découvrir Honshu, l’île principale du Japon.

6 réflexions sur “A la poursuite des cerisiers en fleurs

  1. A propos des trains : à l’inverse, imaginez les jap’ qui débarquent à Paris et rejoignent la capitale depuis l’aéroport en REB B… C’tte honte !

  2. Profitez en bien. ici à Moscou après qq jours de printemps, le frais revient avecun peu de pluie. Mais, l’hiver est enfin parti et vous pouvez revenir dans 15 jours les arbres commenceront à avoir des feuilles.
    Bon courage. et biz JPMO

  3. Hello vous 2 !
    juste un petit coucou …j’espère que vous allez bien, enfin ça à l’air en tout cas, on a encore des nouvelles donc on suppose que oui lol ! Nous aussi on vous suit de très près et les photos sont magnifiques ..autant dire que vous réaliser mon rêve c’est vraiment super !!!! mais au fait combien de temps dure votre voyage ? gros bisous de nous 4 !

    1. Hello vous 4,
      Notre premier voyage s’achève très bientôt, nous rentrons mercredi prochain, snif.
      Grosses biz à toute la famille.

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