Arigatō gozaimasu

Dernier pays de notre trilogie asiatique, le Japon, un pays pétri de légendes. Ninjas, samouraïs, geishas, chevaliers du zodiaque, tout ça nous allons enfin le voir en chair et en os et non sur les pages d’un manga.

Notre arrivée à l’aéroport d’Osaka se fait calmement, Godzilla devait semble t-il dormir puisque notre avion n’a pas eu à subir son attaque, évitant ainsi à Actarus, aux commandes de Goldorak, d’intervenir et d’interrompre son labeur au ranch du Bouleau Blanc, une bonne nouvelle pour tout le monde donc. Tout ça pour vous dire que le Japon est un des pays, sinon THE pays, le plus sur au monde (merci Nicky Larson), on pourrait même ajouter le plus organisé au monde. Dès notre arrivée à Kansai (l’aéroport) on ressent la différence avec les voisins chinois et philippins. Tout est réglé au quart de poil près, personne ne sort des lignes, on vous guide, rien n’est laissé au hasard, c’est impressionnant et finalement très relaxant, il y a juste à suivre le mouvement, se laisser gentiment guider. La sensation est d’autant plus agréable qu’après avoir souvent ramé pour arriver à nos fins depuis le début de notre séjour, ici, tout devient plus facile.

Bref, nous sommes zen, malgré les 10°C de moins par rapport aux Philippines.

Après Manille, Osaka ressemble un peu à un retour à la civilisation. Avec ses grattes ciel, ses néons, ses centres commerciaux, ses ramens, sa conduite à gauche, ses trains, ses jardins, elle rassemble toutes les caractéristiques de la grande ville japonaise moderne. Troisième ville du pays, elle est d’un abord facile pour les gaikokujin que nous sommes : tout est indiqué, fléché, c’est presque trop facile. Et une chose nous saute aux yeux, la propreté incroyable de la ville, on dirait qu’elle vient tout juste d’être déballée. A cela, une seule raison, la discipline des japonais. Vous n’en verrez pas un jeter l’emballage de son casse croûte après l’avoir englouti, pas de ça ici, on risquerait même une amende. Cela peut paraître un peu dérisoire de s’arrêter à ce genre de détails, mais cela donne une sensation de bien être très agréable, alors qu’à d’autres endroits cela nous laissait un petit goût amer, surtout en pleine nature.

Après avoir arpenté à pieds les rues de la ville, le soleil se couche gentiment sur notre journée de découverte. Du haut de nos 173 mètres d’altitude, la quiétude nous gagne. Perchés au sommet de l’Umeda Sky building et de son floating garden observatory, qui n’est absolument pas un jardin, on profite d’un magnifique panorama à 360° sur la ville pour nous remémorer nos moments passés à vagabonder. A Dotonbori, l’animation permanente, les couleurs criardes, les jeunes japonais fashions défilant en permanence nous aurons mis dans l’onsen (bain japonais). Quoi de plus normal qu’un homard géant agitant ses pinces et ses pattes pour vous inviter à venir le dévorer ?!? Pikachu débarquerait ici qu’on le prendrait pour un simple livreur de pizza ! Mais ne vous y méprenez pas, cette énergie débordante n’a rien d’oppressant, bizarrement, on se sent serein, relax, détendu.

Ici, nous avons découvert la face moderne du Japon. Nous ne savions pas vraiment à quoi nous attendre, bien ou pas, les deux sons de cloches nous étaient parvenus. Et à la fin, il faut reconnaître qu’Osaka, précédée de sa réputation dans l’art culinaire, fût une bonne mise en bouche.

Passons maintenant à notre plat de résistance : Kyoto. Avec elle, la face plus traditionnelle du Japon s’offre à nous, par moment nous ferons de véritables bonds dans le passé.

Parlons en justement de son passé. Soucieux de se soustraire de l’influence grandissante des moines bouddhistes de la capitale de l’époque, Nara, l’empereur Kammu déplaça d’un coup de baguette magique celle-ci vers un autre site. Naquit alors Heiankyo, capitale de la paix, en 794. Pendant longtemps Kyoto conserva son statut de capitale impériale, avant de se voir déchue de ce titre en 1868, sous le shogunat Tokugawa, au profit de Tokyo, alors appelée Edo. Malgré les destructions, incendies et guerres que connut la ville, elle garde les marques d’un passé riche.

Aujourd’hui Kyoto ne ressemble pas à une grande mégalopole moderne. Bien aidée en cela par les architectes qui, à notre grand bonheur, n’ont pas suivie la voie de la densification du M² pour son développement, tout est à taille humaine. Pas de tours immenses pour cacher le soleil, au contraire, des quartiers remplis de maisons à un ou deux étages, ça donne un coté tout à fait charmant à l’ensemble, on s’y sent bien, un peu comme dans un village. A Sannenzaka, par exemple, le chemin pavé se faufile entre les maisons de thé, les restaurants et les boutiques, tous ont leurs « noren » personnalisés pour marquer l’entrée de leur échoppe. Au détour d’une rue, la plus haute pagode du Japon, s‘élève, majestueuse. Quand, plantés dans ce décor, on croise des japonaises en kimono flânant, on se frotte les yeux, rêve ou réalité ? A Potoncho, Shinbashi et plus généralement dans le quartier de Gion et d’Higashiyama, l’impression sera toujours la même, celle de revivre l’époque de la grandeur de Kyoto, à chaque instant on s’attend à apercevoir un samouraï en tenue, croiser les gens de la cour impériale ou encore des commerçants accompagnés de dame de compagnie, les fameuses geishas, pour se rendre à la traditionnelle cérémonie du thé. On finirait presque par croire que nous sommes en train d’interrompre le tournage du film « Mémoires d’une geisha » ! Du coup avec deux occidentaux ça fait un peu tâche…

Shintoïste ou bouddhiste, et même les deux, vous trouverez ici votre bonheur. Nous n’avons pas assez de doigts pour compter tous les temples qui existent dans cette ville ! Venir à Kyoto sans en visiter relèverait de l’hérésie, surtout qu’entourés de leurs jardins japonais, ce sont des petites merveilles. Découvrir à la nuit tombée les piliers en bois de plus de 15 mètres de haut soutenant la plateforme principale du Kyomizu-Dera avec en toile de fond Kyoto, ça a quelque chose de magique. De même, évoluer dans les allées entièrement recouvertes de torii vermillons du sanctuaire Fushimi Inari Taisha, c’est fabuleux, surréaliste. Dans ce sanctuaire, dédié au Kami Inari, divinité protectrice des céréales, donc du riz, plus de 10 000 torii sont recensés, incroyable. Si avec ça le riz ne pousse pas bien ! Et que dire des jardins entourant les temples. Au Kinkaku-Ji, c’est un splendide pavillon recouvert de feuilles d’or qui nous accueille. Son rayonnement suffit à ensoleiller les arbres, fleurs et mousses l’entourant. Avec sa végétation, ses plans d’eau ses pierres figuratives, et ses divinités disséminées un peu partout, ce jardin est une parfaite démonstration de l’art des jardins à la japonaise. Du moins, un type de jardin japonais. Son voisin proche, le Ryôan-Ji, figure dans une autre catégorie, les jardins zen (Karasansui), ou jardins secs. Du sable et des pierres, voilà les ingrédients qu’il vous faudra réunir pour pratiquer l’exercice, avis aux amateurs. Devant ce jardin, minimaliste, on se réfugie dans la contemplation et la réflexion. C’est beau, apaisant et plein de symbolique. Dans cet espace, le sable, ratissé chaque jour, évoque les vagues de la mer entourant 15 îles, figurées par des rochers. Peu importe le point où l’on se trouve, il est possible de ne voir que 14 « îles ». Métaphore selon certains, expliquant que l’on ne peut jamais connaître entièrement la vérité… Bon, le symbolisme nous échappe un peu, mais cela ne nous empêche pas de goûter pleinement à cet art. Petit frère du Kinkaku-Ji, le Ginkaku-Ji a une histoire contrarié. A l’origine, ce temple devait être recouvert de plaques d’argent, mais, la guerre civile japonaise, guerre d’Onin (1867-1877) mis fin à ce projet. Aujourd’hui, c’est donc un temple, dont la seule couverture est la patine des ans qui s’offre à nous. Encore une fois, un superbe jardin l’entoure. Immédiatement à coté du temple, la lune se reflétant sur les vagues et le Mont Fuji sont représentés dans le sable, ensuite, on prend les mêmes et on recommence, mousse, arbres, etc…Loin de provoquer la lassitude, ces visites nous ont permis d’apprécier les différents styles de jardins et aussi de temples, et encore ce n’est qu’un tout petit aperçu. C’est depuis le Ginkaku-Ji, un véritable appel à la réflexion, que nous entamerons notre route sur le chemin de la Philosophie.

Ce chemin, longeant un petit ruisseau et aussi une myriade de temples, était à l’origine emprunté essentiellement par des moines. Mais, c’est un philosophe, Kitarō Nishida, qui, parcourant ce chemin tous les jours pour y réfléchir, le rendit célèbre et en inspira le nom. Aujourd’hui, c’est à nous de l’emprunter, à la réflexion nous préfèrerons la contemplation. D’autant plus que, malgré un soleil vif, la foule est clairsemée, nous permettant ainsi de goûter sans partage à la quiétude de l’endroit. Situé à l’Est de Kyoto, ce chemin est bordé par la montagne sur un coté, et de l’autre c’est la ville qui débute. Nous ne boudons pas notre plaisir, les cerisiers, eux, nous font un peu la tête. L’Hanami, la floraison des cerisiers, est l’évènement que nous avions visé pour notre venue au Japon. Malheureusement, des températures un peu trop fraîches, retardent cet avènement. Du coup, l’allée, bordée de cerisiers, est un peu nue quand nous la parcourons. Seuls les bourgeons, un peu rosis, des cerisiers pointent le bout de leur nez, cela donne une ambiance séduisante à cet endroit, mais avec les cerisiers en fleurs, le spectacle aurait certainement été encore plus beau…

En revanche, il est une chose qui fleurit ici ; les boutiques ! Dans ces galeries commerciales, en réalité des rues couvertes (bien pratiques lorsque le ciel déverse des trombes d’eau, ce qui n’est pas rare !) on y trouve de tout, pour tous les goûts et pour toutes les bourses. Des fringues, des tampons encreurs, des estampes, des bijoux, de la nourriture, n’en jetez plus il y’en a trop ! Une chose remarquable au Japon, c’est le goût avec lequel ils aménagent leurs échoppes, nous sommes tentés, d’y rentrer dans toutes, enfin presque. Et aussi, ça nous permet de découvrir les spécialités culinaires du pays ! Au Nishiki Market, qui a la réputation d’être l’arrière cuisine de Kyoto, on découvre toutes sortes de tofu, légumes, poissons, viandes, fruits secs, desserts qu’on retrouve ensuite ça et là dans les restaurants. En plus on peut y goûter sans même mettre les pieds dans un restaurant. Les japonais pratiquent aussi l’art de la dégustation gratuite, il y’en a partout. A picorer toutes leurs spécialités, on pourrait s’en faire un repas. Bon, ça fait un peu pique assiette, mais comme ça on essaie de tout, ne serait ce que par curiosité.

Les dégustations, nous avons donné, au restaurant surtout, mais cuisiner on adore ça, alors dès que l’occasion s’est présentée, nous l’avons saisie. Oui, parce que des restos, nous en avons fait un paquet, et des plats, tout autant. Après avoir testé l’Okonomiyaki à Osaka, la ville de naissance de ce plat, puis des nouilles dans un restaurant vieux de plus de 300 ans, nous nous sommes dit, pourquoi pas nous ! Après avoir englouti des kilos entiers de nouilles depuis la Chine, nous nous sommes donc lancés dans la conception. Et ça y est, nous savons faire des nouilles « comme ici », dorénavant appelez nous Mr & Mrs Ajikko, Ne nous manque plus que l’emplacement et les ustensiles et nous pourrons faire concurrence au restaurant de Mr Mittamura, le Mambo.

Enfin, bon, tout ça ne fait pas sortir les cerisiers ! Il fait frais, il pleut, on les comprend, nous non plus ne voulons pas sortir par ce temps ! Alors puisqu’ici, ils ne veulent pas sortir, nous allons aller les chercher là où ils fleurissent, dans le Sud, où il fait plus chaud : Kyushu !

6 réflexions sur “Arigatō gozaimasu

  1. Ohayo gosaimasu! Ca y est vous y êtes… veinards! 🙂
    Nico, as-tu pensé à prendre les livres de la bibliographie spéciale samouraï? Si tu le croises, tu salueras Kuroda sensei pour moi!
    Onegaeshimasu!

    1. Euh…plus de place dans les valises, mais elle est toujours bien au chaud à la maison !
      Nous sommes à Kanazawa, ville des Samouraïs, si je le croise c’est ici, alors je ne manquerais pas de lui faire une bise de ta part.
      Tchuss (salut russe)

  2. Ca me laisse tellement rêveur que j’en viendrais presque à vous dire que tant de bonheur est indécent. En tout cas, comme toujours c’ est magnifiquement écrit et je suis surpris de la qualité de votre plume. C’est un régal à lire et chacun de vos posts fleurent bon le dépaysement.

  3. Coucou,

    Voilà un pays encore qui donne envie. Bravo Nico, on ressent même l’atmosphère. Le côté Zen, propre mais aussi moderne. Cela me plaît.

    Bisous.

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